Le Tchad est l’illustration parfaite du double standard des autorités françaises sur la question de la démocratie en Afrique. S’ils s’empressent de condamner les coups d’État dans les pays sahéliens, ils soutiennent la prise de pouvoir dynastique de Mahamat Idriss Déby, dont le défunt père a dirigé le pays pendant plus de trente ans.
Jeudi sombre
La prise du pouvoir par le fils de Déby en avril 2021 est le résultat d’un coup d’État constitutionnel mené par une clique de généraux qui se sont approprié le pays depuis des décennies. Dès le début, le fils de Déby s’est imposé grâce à la répression. Pour faire bonne figure, il a promis une transition de dix-huit mois et a convoqué une conférence nationale souveraine boycottée par l’opposition. Cette conférence donnera suite aux souhaits de la junte. La junte a annoncé qu’elle prolongerait son mandat de deux ans.
En réponse, l’opposition politique et les organisations militantes de la société civile ont appelé à descendre dans la rue le jeudi 22 octobre 2022. La répression de la manifestation s’est avérée un massacre et restera dans les mémoires comme le Jeudi noir. Plus de deux cents personnes ont été tuées et des centaines ont été arrêtées au cours des semaines suivantes. L’objectif était de décapiter l’opposition. La plupart ont été déportés vers la prison de Koro Toro, à 600 kilomètres de la capitale N’Djaména. Ceux qui sont revenus racontent comment les corps ont été jetés sur le chemin et le traitement inhumain dans cette prison gérée par d’anciens prisonniers de Boko Haram.
Pivot sahélien
La répression sur le terrain se poursuit, à deux mois d’un référendum visant à amender la Constitution pour renforcer le caractère centraliste du pouvoir dans un pays dont la grande diversité religieuse et communautaire mériterait au contraire une organisation plus fédérale.
Du massacre du Jeudi noir aux nombreuses violations des droits de l’Homme, la diplomatie française reste silencieuse. Son objectif est de préserver la stabilité du pays, qu’il associe au régime en place. Ainsi, les autorités françaises n’ont pas hésité à plusieurs reprises, en l’absence de tout contrôle parlementaire, à engager les forces françaises contre les attaques rebelles menaçant le gouvernement. Le Tchad reste un pays déterminant dans l’architecture militaire française en Afrique. Lors de l’opération Barkhane, des soldats tchadiens ont été envoyés en première ligne contre les jihadistes. Aujourd’hui, c’est le seul pays du Sahel qui accepte encore le positionnement de l’armée française sur son sol.
Il s’agit d’une situation précaire, compte tenu du nombre croissant de protestations contre la présence militaire française. C’est un combat qui doit être repris et soutenu en France, car le départ des troupes françaises du Tchad signifierait aussi la chute d’un régime qui n’a que trop duré.
10 novembre 2023
Traduit par Point de vue international depuis l’Anticapitaliste.
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